Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/113

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— Fasse Mahomet qu’il réfléchisse bien.

— Tu invoques Mahomet, sais-tu que ce serait le vrai moyen de t’en tirer.

— Je ne comprends pas.

— Pourquoi ne te ferais-tu pas musulman ?

— Ah ! ça, non, vois-tu, le titre de renégat en matière de religion comme en matière de patriotisme, me répugne absolument.

— Je le comprends ; pourtant, si tu connaissais mieux notre religion, tu verrais que…

— C’est possible, mais crois-moi, cherche autre chose.

— Dans tous les cas, il vous faut adopter, dès maintenant, la vie, les vêtements et les usages arabes.

— Qu’à cela ne tienne.

— Je ne sais encore ce que mon père décidera, mais il est évident qu’avec votre tenue actuelle mi-arabe, mi-française, vous risqueriez gros bien souvent.

— et que diable allez-vous faire de nous ?

— Mon père décidera tout à l’heure.

— Ne pourrais-tu avec un bon sauf-conduit et un guide sur nous faire accompagner jusqu’à El-Goléa ou Touggourt.

— Pauvre ami ! tu me fais l’effet d’un homme endormi dans une maison en flammes ; ignores-tu donc ce qui se passe autour de toi ?

— Je vois bien qu’une révolte assez grave vient d’interrompre, pour quelque temps, les travaux de notre chemin de fer ; mais nous n’en sommes pas en France à une colonne près, et dans trois mois l’ordre sera rétabli.

— Ne conserve pas de pareilles illusions, de Melval, fit le jeune sultan d’une voix grave ; ce n’est pas seulement l’Algérie qui est en feu, c’est l’Afrique entière, c’est l’Inde et l’Arabie qui vont s’enflammer à leur tour ; c’est le monde musulman tout entier qui se lève contre les chrétiens.

Et avec une animation qu’il n’avait certainement pas jadis lorsqu’il passait à Saint-Cyr ses examens de fin d’année, Omar étala sous les yeux de son camarade de promotion l’œuvre de son père et la sienne.

Il lui montra ces trente armées qui allaient jaillir du sol africain au signal donné tout à l’heure et bientôt inonder l’Europe.