Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la côte par l’Albert Édouard et le Victoria, ces deux grands réservoirs du Nil Blanc.

Il admira les merveilleuses forêts qui couvrent ses pentes : forêts de chênes, d’eucalyptus géants et de fougères arborescentes, se continuant par des forêts de cèdres et de pins jusqu’à l’altitude où la végétation disparaît pour faire place aux neiges éternelles.

Lorsque les sentinelles qui veillaient au pied de la montagne aperçurent sur les plateaux lointains qui dominent au nord le cours de la Semliki les feux attendus depuis de longs jours, ils tirèrent des coups de feu et, de toutes les plantations de baneraies, qui font de ce pays un parc enchanté, des milliers de nègres se précipitèrent à l’assaut de la montagne, des torches a la main.

Quelques heures après, une ceinture de flammes et de fumée entourait le massif et en gagnait le revers sud agrandie par le vent ; puis le feu, mis en cent endroits à la fois les jours suivants par les tribus voisines, gagna le pic Gordoa-Bennet et le mont Makinnon, et sur un périmètre de plus de 200 kilomètres la forêt flamba.

Ce n’était plus là l’antique et modeste bûcher des anciens Gaulois, lançant de Gergovie à Avaricum et à Bibracte le cri d’appel de Vercingétorix et appelant aux armes les Arvernes, les Sénons, les Carnutes et les Bituriges : c’était un incendie qui devait durer cinquante jours, faire planer au centre de l’Afrique un nuage de fumée visible de tous les Grands Lacs, et pousser ses flammes jusqu’à l’altitude des neiges éternelles.

Signal géant, il portait à « l’ordre de mobilisation » de monts en monts jusqu’aux contrées les plus lointaines.

Et pendant que brulaient les forêts séculaires du Bouvenzori, les ruisseaux qui descendaient de ses flancs se grossirent des neiges fondues du sommet, et transformèrent en torrent impétueux le cours paisible de la Semliki, qui rejoint le lac Albert au lac Édouard.

…………………………………………………………………………………………

Les musulmans de l’État libre du Congo furent les premiers prêts et les premiers donnèrent la secousse qui devait en quelques semaines, débarrasser le bassin du grand fleuve des comptoirs et des postes européens.