Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/146

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Très disciplinés, habiles aux feintes, aux surprises, aux mouvements tournants, ils se battaient en silence, sans tambours, sans cris de guerre ; le guerrier qui s’était montré lâche dans un combat était coupé en morceaux par ses compagnons.

Leur aspect était étrange : leur corps était peint en rouge ; une draperie de cotonnade blanche rayée de jaune flottait sur leur dos ; ils disposaient une bande de cuir autour de l’ovale de leur face et l’ornaient d’une crinière de zèbre, ou des soies en pinceau de sanglier, ou mieux encore de plumes noires d’autruche.

Un anneau de corne, des fils de laiton en spirale, protégeaient leurs bras ; des sonnettes, tintant à leurs talons, signalaient de loin leur approche, remplissant à l’avance de terreur les tribus qu’ils allaient piller.

Quoique convertis à l’islamisme, ils avaient gardé un certain nombre de leurs pratiques religieuses antérieures, comme le culte du soleil et de la foudre, et le respect des magiciens ; au milieu de l’armée qui s’était mise en route vers l’Ethiopie, on remarquait un « Mbatian », ou sorcier, grand distributeur de sorts, nommé Boula.

Devant témoigner de son rang par son obésité, ce magicien était d’un embonpoint invraisemblable, et l’âne blanc qui le transportait à travers les hautes herbes allait avoir fort à faire pour l’amener jusqu’au rivage de la mer Rouge.

L’énumération des groupes, masses ou armées qui, abandonnant leurs bois, leurs cases, leurs enfants, se mirent en route à travers la brousse, serait trop longue pour prendre place ici ; mais, à côté des agglomérations précédentes qui, par leur importance ou leur originalité, méritent de fixer l’attention, il convient encore de citer les populations du haut Nil, qui formaient l’ancienne province d’Equateur et constituaient l’armée de l’Ouganda.

C’était le nom que portait la vice-royauté d’Emin-Pacha, détachée de l’empire égyptien du Soudan.

L’armée qui s’y formait avait pris pour chef le fils même d’Emin, et celui-ci, un jeune homme de vingt-six ans, né d’un Allemand et d’une Zanzibarite, était devenu un musulman farouche en qui l’Europe allait trouver un de ses ennemis les plus acharnés.