Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/147

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Il se nommait Ahmed-ben-Emin, avait fait des études assez complètes au Caire, et avait pris pour lieutenants les fils des anciens commandants des bataillons égyptiens, grâce auxquels son père avait pu empêcher les hordes madhistes de s’étendre vers le haut Nil.

Ces hordes s’étaient fondues en un immense royaume dont nous parlerons plus loin. Au lieu de continuer la lutte avec elles, le fils d’Emin avait conclu avec les descendants du Mahdi, un traité d’alliance.

Les bateaux que la Compagnie anglaise de l’Est africain, maîtresse de l’Albert-Nyanza, avait lancés sur le fleuve pour y contre-balancer l’influence belge, furent tous capturés avec la complicité de leurs équipages nègres, et c’est ainsi que les Noirs se trouvèrent avoir sur le haut Nil une petite flotte qui, jointe aux nombreux bateaux à vapeur du royaume madhiste sur le Nil moyen, leur rendit les plus grands services pour le transport de leurs vivres.

Cette armée, dite de l’Ouganda, parce que son noyau principal était formé des indigènes de cet ancien royaume, tombé aux mains des missionnaires anglais, allait se concentrer à Lado.

Elle était précédée au Nord par l’armée madhiste, qui devait se signaler en Europe par les plus sanglants excès ; Salah-ben-Mahdi, fils du célèbre agitateur de ce nom, la commandait ; il était obéi des nombreuses tribus musulmanes qui bordent le Nil depuis le confluent du Nil Bleu, jusqu’au point où le fleuve change son nom pour celui de Bahr-el-Djehel.

Cette puissance était restée pendant longtemps ignorée de l’Europe.

Beaucoup de gens se figuraient encore, en 1892, que l’immense pays, qui a le Kordofan pour centre et dont l’influence s’étend du Tchad à la mer Rouge, était dans une anarchie sans nom, passant de la tyrannie d’un maître à la collectivité despotique de dix chefs religieux.

Il fallut les révélations du livre du major Wingate : Dix ans de captivité dans le camp du Mahdi (1882-1892), pour ouvrir les yeux des diplomates les mieux renseignés.

Dans ce livre, le major Wingate, directeur des informations militaires anglaises dans l’armée égyptienne, tradui-