Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/161

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pas ; tu as du sang de saint-cyrien ; il te reste de notre éducation de la-bas le culte de l’amitié, de la bonne camaraderie… Et puis, qu’ai-je dit de blessant ou d’indiscret ? Tu sais bien que ta passion d’alors n’était un secret pour aucun d’entre nous…

Et comme le jeune sultan gardait le silence, les yeux dans le vide…

— Ma parole, continua l’officier, on dirait que tu y penses encore à cette ravissante enfant ; et si je te disais…

— Quoi ? demanda le jeune prince, en relevant la tête.

— Si je te disais qu’elle était absolument toquée de toi, au point de s’être rangée après ton départ ; une vraie conversion, mon cher ; il est vrai que généreusement tu lui en avais donné les moyens et qu’elle peut vivre aujourd’hui de ses rentes sans grand mérite ; mais enfin tu peux être fier d’avoir provoqué pareille passion.

Et comme Omar gardait le silence…

— Seulement, ajouta le capitaine en parlant lentement, est-ce que tu songerais encore à elle ? Diable ! mais tu prends un drôle de chemin pour arriver jusqu’à son entresol… C’est toujours le même, sais-tu bien !

— Encore une fois, de Melval, tais-toi, fit l’Arabe en rejetant brusquement et vivement sur son épaule les plis de son burnous rouge, celui qu’il mettait au camp les jours où il y rendait la justice.

Et le front soucieux, sentant gronder en lui sous le vent des souvenirs lointains un orage de sensations, le jeune sultan sortit brusquement, bousculant Hilarion qui attendait à la porte et laissant seul dans la tente, son camarade stupéfait.

Un instant encore de Melval resta là, feuilletant machinalement le règlement d’Abd-el-Kader.

Il parcourut successivement la partie du règlement de l’émir qui créait des monnaies, en fixait la valeur et déterminait la solde de chaque grade ; puis, les instructions si judicieuses relatives à l’habillement des troupes : donnant des vêtements bruns à l’infanterie pour la rendre moins visible de loin, et des burnous écarlates à la cavalerie, pour inspirer l’épouvante.

Et il pensa :