Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/160

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seyâfs. Un corps d’armée qui comprendrait 96 compagnies ne serait guère maniable.

— Les raïs-el-abkar sont destinés à devenir des chefs de bataillon commandant à dix centuries ; nous nous en tiendrons là jusqu’au jour de l’organisation définitive, à Constantinople. Lorsque ces fourmilières, actuellement en mouvement, auront fait l’expérience des petits groupements, il nous sera facile de trouver dans l’armée turque et dans la légion du prophète les colonels et généraux à adjoindre aux rois, émirs, cheiks et sultans pour la conduite des opérations. Chaque besogne aura son heure, mais tu dois voir, dès à présent, que l’organisation est plus sérieuse que tu ne te l’imaginais.

— Oui, je commence à voir, dit de Melval rêveur.

— Avoue que jusqu’à présent tu n’as pas cru à la réalisation de mes plans, à la possibilité de remuer ces millions de fanatiques, de leur donner des directions, de les concentrer quelque part, enfin de coordonner ces efforts de toute une race.

— C’est vrai.

— Eh bien ! ce que tu vois n’est rien auprès de ce que verront tes yeux dans six mois. Assez longtemps l’Afrique a été votre proie à tous ; vous allez devenir la sienne ; la face du monde va changer ; vous allez expier des siècles de corruption, de…

— De corruption, fit de Melval relevant la tête, mais de laquelle parles-tu ?

— Je parle de cette pourriture générale due à un excès de civilisation, à cette soif de bien-être qui devient le mobile de toutes vos actions, à cette jouissance…

— Voyons, voyons, Omar, mon cher camarade, reprit le capitaine en le regardant dans les yeux… cette civilisation qui te fait horreur aujourd’hui, tu étais plus indulgent pour elle jadis ; tu lui as même emprunté quelques agréments si j’ai bonne mémoire : et la jolie Suzanne de la Chaussée d’Antin…

Le jeune prince eut un soubresaut,

— Tais-toi ! fit-il, dans un geste brusque qui crispa ses doigts ; tais-toi, si tu ne veux pas…

— Que nous soyons brouillés ? Non, tu ne le voudrais