Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/171

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— Ah ! et tu crois tout ce qu’il te dit ?…

— Je le crois d’autant mieux que le contraire ne serait pas vraisemblable. Tous mes compliments ; d’ailleurs, elle est ravissante, cette petite Nedjma, et le rôle de petite sœur n’allait guère à ses beaux grands yeux ; seulement, méfie-toi…

— De qui ? dis-le moi, afin que je prenne mes précautions à l’avenir…

— D’abord de Mounza, qui a raté son coup hier, mais qui recommencera, tu peux en être certain : car je me suis laissé dire qu’il était comme une bête en cage depuis qu’il avait appris l’insuccès de sa tentative… Encore ne sait-il pas tout… comme moi, ajouta le jeune sultan malicieusement. Mais il serait bigrement nul s’il ne s’en doutait pas un peu.

— Je compte bien sur ton appui pour ne jamais tomber entre les griffes de ce tigre royal, dit l’officier, éludant une protestation qu’il jugeait inutile.

— Evidemment et d’ailleurs tu as la parole de mon père ; mais ce que tu auras à craindre, ce sont les coups dans l’ombre comme celui d’hier…

— Je ne quitterai plus Nedjma d’une minute…

— A ton tour, tu m’as l’air d’en pincer ferme, dis donc ? Ce n’était pas la peine de me « balancer », hier, comme tu l’as fait. Si j’ai laissé un morceau de mon cœur chez une chrétienne, il me semble que tu viens de confier le tien à une musulmane…

— C’est bien la preuve que cette guerre de race et de religion que tu veux faire n’a pas raison d’être et que musulmans et chrétiens pourraient fort bien s’entendre.

— Ils s’entendront bien mieux encore quand ils auront tous la même religion…

— Que veux-tu dire ?

— Quand les Blancs se seront convertis à l’islamisme.

— Tu y comptes ?

— C’est une question de temps : quand ils seront réduits à l’esclavage, ils réfléchiront et…

Mais de Melval n’écoutait plus ; auprès d’eux un Arabe venait de passer, le bras en écharpe, et son regard avait croisé celui de l’officier.

Il y avait dans ce regard une telle expression de haine et