Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Un interprète ?

— Oui ; je compte bien ne pas me borner à planer au dessus de nos adversaires ; j’arriverai bien, un jour ou l’autre, à entrer en communication avec quelqu’un d’entre eux, et alors… connais-tu l’arabe, toi ?

— Oui, mais tu penses bien que je ne puis laisser là cette enfant dans un pareil état, dit-il à voix basse, pendant que la jeune fille, la tête dans ses mains, semblait abîmée de nouveau dans sa prostration habituelle.

— Alors j’en prendrai un à Alger.

— C’est cela ; tu trouveras certainement là ce qu’il te faut, à moins que, fit-il en se frappant le front, M. Saladin, que nous ramenons d’Alger avec nous, ne consente a repartir avec toi.

— Qui est M. Saladin ?

— Un interprète qui nous a rendu grand service dans la traversée du Sahara par sa connaissance de la langue arabe, en général, et des dialectes touaregs, en particulier.

— Tu me répondrais de lui ?

— Oui, c’est un homme : énergique et intelligent ; je le soupçonne même d’avoir un peu de sang maure dans les veines, et, dans tous les cas, il connait la religion, les mœurs et les traditions de ces gens-là comme s’il avait vécu vingt ans parmi eux ; à ce titre, sa conversation t’intéressera. Bref, c’est un homme précieux.

— Mais consentira-t-il ?

— Je ne vois pas ce qui pourrait l’arrêter ; je ne lui connais ni attache ni famille ; il adore les voyages, les aventures et n’a quitté Alger qu’à contre-cœur, parce que nous avions besoin de lui à Paris, au siège de la compagnie mais je m’arrangerai pour m’en passer, et, si tu veux, je lui soumettrai tes propositions.

— Rends-moi ce service.

Quand la conversation prit fin, l’aéronaute s’aperçut que la jeune fille ne pleurait plus ; au nom de Saladin, elle avait relevé la tête et son teint, déjà très pâle, était devenu de marbre ; ses yeux avaient pris une expression étrange et un léger tremblement avait agité ses deux mains.

Quelques heures après, un homme d’une quarantaine