Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

protestations de jadis, à force de se redire tout cela, il s’était repris à espérer.

Il lui témoignerait tant d’amour qu’elle se sentirait touchée et regretterait l’atroce douleur que son refus glacial lui avait jadis infligée.

Telle était sa disposition d’esprit lorsque M. Fortier, qui faisait de son intelligence et de son caractère le plus grand cas, vint lui proposer une place dans le ballon.

C’était l’occasion qui s’offrait à lui de faire quelque chose de beau, de grand, d’héroïque ; et il connaissait assez la jeune fille pour savoir que là était le secret de la charmer ; il l’avait donc saisie avec enthousiasme, et, jusqu’au jour du départ, il avait été si fiévreux, que l’ingénieur lui-même s’en était aperçu.

Mais il avait été loin d’en soupçonner la cause.

Jamais sa fille n’avait fait une allusion aux aveux qu’elle avait jadis repoussés. De Melval était le seul à qui elle se fût jamais confiée.

Elle lui avait parlé des poursuites dont elle avait été l’objet, comme elle lui avait raconté toute sa vie, depuis le plus lointain de ses souvenirs jusqu’à la naissance de leur amour.

Ce fut un matin de très bonne heure que l’aérostat fut tiré de son hall du Bois de Boulogne.

Il devait partir à huit heures du matin ; l’ingénieur comptait arriver à Marseille vers deux heures de l’après-midi.

Là, il attendrait au lendemain pour se lancer à travers la Méditerranée, car le mode d’aviation employé ne se prêtait pas encore, suivant lui, à un voyage de nuit ; il eût été trop dangereux de faire une erreur de quelques cents mètres en hauteur et de plonger dans l’onde amère.

Une foule énorme avait envahi la piste de Longchamp.

Le ballon était amarré près du Moulin et entouré d’une barrière à claire-voie, pour le préserver de l’envahissement des curieux.

Sous les premiers rayons du soleil levant, l’énorme masse étincelait et ses parois, d’un blanc d’argent, lui donnaient l’aspect d’un gigantesque appareil d’optique braqué sur le firmament.