Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/206

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— Oh ! fit-il dans un mouvement de rage, comme elle l’aime, et comme je voudrais aussi le torturer celui-là, s’il n’était pas mort !

— Mais, fit-il en relevant la tête, est-il mort au moins ?

Et comme une idée infernale venait de germer dans sa tète, il enfouit soigneusement dans une de ses poches le message de la jeune fille, en jetant dans l’espace par le hublot enveloppe et bouquet.

L’aérostat était parti de Paris à dix heures ; à trois heures et demie, il arrivait à Marseille, ayant parcouru, en cinq heures et demie, une distance en ligne droite de 660 kilomètres.

C’était une vitesse de 120 kilomètres à l’heure : vitesse atteinte et dépassée même par les locomotives électriques qui partout remplaçaient les anciennes machines à vapeur ; mais le ballon avait sur elles l’avantage de se mouvoir en ligne droite et de réduire ainsi de 200 kilomètres le trajet normal des Eclairs du P.-L.-M.

Et il était arrivé sur Marseille avec la précision du bateau qui entre au port.

Il lui avait suffi d’observer avant le départ l’azimut fait par la ligue Paris-Marseille avec le méridien de Paris, de constater à quel angle de l’aiguille aimantée correspondait cet azimut, et d’orienter l’aérostat suivant cette direction invariable ; c’est à peine si des courants latéraux avaient dévié l’aérostat de 4 à 5 kilomètres vers l’Est. Encore avait-on pu, lors du dernier louvoiement, réparer cette erreur en mettant le cap directement sur la ville.

Le télégraphe y avait annoncé l’arrivée du Tzar, et, bien que la dépêche ne le précédât que de deux heures à peine, une foule énorme attendait son arrivée pour applaudir les hardis explorateurs.

C’est que la grande cité phocéenne était, de toutes les villes du bassin méditerranéen, celle que troublait le plus le nouvel état de choses.

Son commerce avec l’Afrique, si florissant depuis l’épanouissement colonial de la fin du siècle, était devenu nul ; les bâtiments qui arrivaient d’Algérie, de Tunisie, du Sénégal, du Bénin et du Congo, n’avaient plus d’autre fret que