Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/218

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craint de venir s’installer à Melilla même, au moment où les Maures s’avançaient audacieusement jusqu’à portée de fusil des murailles de la ville.

Là, il avait fait la contrebande des armes de guerre, recevant de Gibraltar des fusils anglais, les cachant dans la maison qu’il habitait avec sa femme et son fils, le petit Salem, et les livrant aux Maures pendant la nuit.

Cette branche de commerce était plus prospère encore que les précédentes : car, en bons voisins des Espagnols et suivant en cela leurs plus chères traditions, les Anglais lui donnaient pour rien les armes et les cartouches, et le payaient grassement pour les faire parvenir aux rebelles.

Comme, d’autre part, il avait parmi ces derniers des parents de sa femme, il obtenait, par eux, un prix déterminé pour chaque arme livrée.

Tout le monde y trouvait son compte : les Anglais d’abord, qui jouaient un bon tour aux chevaleresques et naïfs hidalgos d’Espagne ; les Maures, en se procurant des fusils à très bon compte, et le père de notre héros, en accumulant les piastres sans se donner grand mal.

Les Espagnols seuls l’avaient trouvée mauvaise : leur étonnement avait été grand lorsqu’ils avaient découvert dans les membres de leurs blessés, au lieu des balles rondes arabes, des projectiles allongés provenant manifestement d’un Winchester ou d’un Martini de Liverpool.

Le commerce a des hauts et des bas, et d’ailleurs Bou-Sliman, tel était le nom de l’habile marchand, risquait gros en se livrant à ce genre d’opération ;

Un beau matin, sa cachette avait été découverte : on avait saisi chez lui 400 fusils et 70.000 cartouches ; et comme les autorités espagnoles n’avaient pu décemment accepter, comme raison plausible, son goût très prononcé pour les collections d’armes, le maréchal Martinez Campos l’avait fait fusiller, sans autre forme de procès, en confisquant tous ses biens.

Sa femme avait pu s’embarquer avec son enfant à destination d’Oran ; là, elle était morte peu après, et Salem, après être passé successivement cireur de bottes à Tlemcen, gar-