Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était apparue dans tout l’épanouissement de ses dix-neuf ans.

De ce jour sa vie avait changé d’axe, et la jeune fille ne s’était guère doutée qu’elle avait inconsciemment sauvé du protêt et de la saisie quelques lieutenants, trop insouciants et partisans trop décidés des prêts à gros intérêts.

Pour elle Saladin eût accompli l’acte le plus héroïque, de même qu’il eût commis, sans sourciller, le crime le plus odieux.

Elle l’avait repoussé, rejeté loin d’elle, fidèle quand même au souvenir de l’autre.

Un officier encore, celui-là !

Comment se venger ?

Il ne le savait pas encore, mais un instinct secret l’avertit que, pour mener à bien cette vengeance à laquelle il allait se vouer tout entier, il ne devait pas abandonner le poste auquel le hasard venait de l’appeler.

Il resterait donc sur le ballon, et c’est pourquoi, en entendant la phrase qui parlait de son remplacement, il sut réprimer à temps un mouvement fâcheux.

Mais en même temps il sentit qu’il fallait changer d’attitude.

Il rappela le sourire sur ses lèvres, adoucit l’éclat de ses yeux, comprima les mouvements précipités de son cœur, et comme il se levait, soudainement transformé, il aperçut au loin un petit point blanc.

Puis une ligne sombre se profila, cerclant l’étendue bleuâtre d’un trait ininterrompu.

Sur la gauche des hauteurs encore indistinctes s’estompèrent mêlées aux cirrus qui couraient à l’horizon.

Saladin se redressa tout à fait et secoua la tête : dans ses yeux une lueur passa.

Là-bas c’était la terre d’Afrique, son pays, celui de sa race.

Cette terre il la sentait frémir, il l’entendait trembler sous les pas de millions d’hommes, ses frères, se ruant à l’assaut du vieux monde.

Pourquoi n’irait-il pas à eux, lui, le fils de l’ardente Mauresque et du rusé Tripolitain ?

Pourquoi n’irait-il pas mettre à leur service tout ce qu’il