Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/233

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Devant lui, un nègre demi-nu tenait un plateau en bois rempli de dattes et le lui présentait.

Il eut un instant d’hésitation : il avait rencontré près du port un Khouan[1] qu’il avait connu jadis et qui, en échange d’un service rendu, lui avait enseigné les mots de passe ci-dessus, mais cet indigène avait négligé de lui parler de ce détail qui devait être pourtant lui aussi un signe de reconnaissance.

Mais il vit à terre en autre plat semblable dans lequel étaient d’autres dattes portant des empreintes de dents, et comme il connaissait à fond tout ce qui avait trait à l’histoire et à la religion de l’Islam, il se rappela que le prophète Mahomet faisait avaler aux enfants de Médine, pour les sanctifier, des dattes qu’il avait mâchées[2].

Il prit donc un des fruits qui lui étaient offerts, le mâcha et le jeta à terre.

Indépendamment d’une pratique religieuse, il y avait là un moyen aussi primitif qu’ingénieux de connaître le nombre de personnes qui étaient entrées.

Alors l’Arabe qui avait ouvert la porte, souleva une portière qui dissimulait une ouverture étroite, et Saladin se trouva dans un réduit plus petit encore que le précédent, mais dans lequel il ne trouva personne.

Le long des murs s’alignaient de nombreuses paires de sandales et de babouches de toutes formes et de toutes couleurs.

Il quitta les siennes et, par une dernière porte, pénétra dans une vaste pièce très haute de plafond, ornée de colonnes vertes et rouges et éclairée de trois grands lustres bizarres en forme de pylônes.

Il était entré par une porte secrète connue des seuls initiés dans la mosquée de Mohammed-ech-Chérif, un des saints les plus vénérés d’Alger. Le corps de ce marabout, fameux sous le pachalick de Mohammed-el-Hassen, repose dans la Koubba dominant la mosquée à laquelle il a donné son nom ; et les femmes musnlmanes sont venues de tout temps l’implorer pour devenir mères.

  1. Disciple de la même secte et par extension frère.
  2. Théologie musulmane (Rauzat-us-Safa), par l’historien persan Mirkhond.