Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/232

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le seul charme de leur beauté, la dot attendue par leur fiancé, et il ne détourna pas la tête, lorsque graves, silencieuses au fond de leurs niches et parées de bijoux comme des vierges espagnoles, elles semblèrent l’inviter à entrer.

L’une d’elles se leva sur son passage et lui fit un signe gracieux de la main.

Il ne la vit même pas.

Il se souciait bien en vérité des plaisirs faciles et des amours de rencontre, cet homme dont le sang bouillonnait au souvenir d’une autre.

Car cet Arabe transformé, que ses compagnons de route n’eussent jamais reconnu sous son déguisement, c’était Saladin.

Il arriva devant une porte d’aspect monumental, dont la peinture verte et rouge tranchait violemment sur le mur nouvellement blanchi à la chaux, et que surmontait l’empreinte rouge d’une main, celle de Fatma, signe cabalistique destiné à écarter les mauvais génies.

Il souleva et laissa retomber le lourd battant.

La porte s’entre-bailla et deux yeux brillèrent dans l’ombre.

— Ach t’hab[1] ?

— Khouan de Chellata, fit-il.

— Quel est ton cheik ? reprit la voix.

— Ben Ali Chérif.

— Ton Iman ?

— El Farouk.

— Ton Mofti ?

— El Allouan.

— Donne la Sourate[2].

Saladin répondit : « Les plus mauvaises bêtes de la terre aux yeux de Dieu sont celles qui ne croient pas, et après elles les ingrats (XXXVII). »

La porte s’ouvrit et se referma aussitôt pour donner passage au nouveau venu, et Saladin se trouva dans une petite salle étroite et très haute éclairée par une lampe fumeuse de forme romaine.

  1. Que veux-tu ?.
  2. Verset du Coran servant de mot de passe.