Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/252

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L’interprète lui apprit alors qu’occupé une première fois en 1844, Laghouat avait été repris en 1855, et que l’assaut très meurtrier ayant été suivi d’un massacre et d’un incendie, la ville avait été dépeuplée et ses quartiers indigènes démolis.

— Et maintenant voilà une cité qui prend tout à fait tournure, ajouta Guy, et nous allons organiser des excursions aérostatiques pour Laghouat comme on organise des trains de plaisir pour Vichy. En vingt heures, on sera rendu de la Madeleine ici, tombant des champs de neige au milieu des sables brûlés par le soleil.

— Douze heures seront suffisantes, dit l’ingénieur qui déploya sa carte : mesure toi-même la distance en ligne droite entre ces deux villes.

— Vous avez mille fois raison, dit le jeune homme, je ne trouve que 1.400 kilomètres.

— Et ce que nous appelons une ligne droite, ajouta l’ingénieur, n’est autre que le méridien de Paris.

— Laghouat est donc sur le méridien de Paris ?

— Oui, comme Alger, à moins d’un degré près : c’est une station géodésique importante sur le grand arc de cercle prolongé à travers le continent africain[1] et dont nos topographes militaires sont en train de pousser la triangulation jusqu’à In-Salah.

— Mais comment a-t-on pu rattacher la France à l’Afrique à travers la Méditerranée ?

— Par l’Espagne.

— Et par le Maroc ?

— Non, on n’en a pas eu besoin, car par les temps clairs, du haut des montagnes d’Algérie qui dominent Oran et Nemours, on voit certains pics espagnols de la Sierra-Nevada situés pourtant à 270 kilomètres : quand je dis qu’on voit, c’est, bien entendu, par des temps exceptionnellement clairs ; Ainsi, quand ce travail de rattachement fut résolu, des officiers français et espagnols, campés sur les sommets, cherchèrent en vain pendant vingt nuits consécutives à découvrir les faisceaux de lumière électrique dardés par-dessus la Méditerranée. La vingt et unième nuit seulement, les

  1. Bulletin de la Société de géographie de Paris, 1878.