Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/251

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deux ans, dit Saladin. C’est vous dire que cette nouvelle France est ma vraie patrie, et que je suis doublement heureux de la servir en ce moment.

Et ayant ainsi donné un coup de canif à son état civil :

— Nous voici en vue de Laghouat, ajouta-t-il, voyez cette tache sombre au pied des montagnes : c’est l’oasis.

D’ailleurs, nous venons de rejoindre la voie ferrée qui constitue le premier élément du Transsaharien et qui dessert Laghouat depuis 1898 : voyez ce ruban sinueux à nos pieds ; jadis, il fallait aux troupes plus de trente jours de route pour venir d’Alger ici : on les y amène maintenant en treize heures.

Les voyageurs regardèrent dans la direction indiquée.

Au pied de la chaîne du Djebel-Amour, au delà d’un oued raviné, dessiné sur le sable par une raie d’ombre, quelques monticules crétacés se dressaient isolés, semblables à une ligne de taupinières blanches.

Sur le plus proche, un petit marabout blanc semblait une sentinelle au-dessus de la vallée ; sur les deux autres une ville chevauchait, dominée par une vaste caserne aux nombreuses fenêtres, dont les murailles d’enceinte, comme autant d’arêtes, descendaient vers la ville et bordaient les jardins.

Tout autour, sur une largeur de cinq à six kilomètres, s’étendait l’oasis, et au milieu de la verdure se glissait, invisible, le filet d’eau, canal de dérivation de l’Oued-Mzi, qui lui donnait la vie.

Ce n’étaient pas les palmiers qui dominaient là, mais les essences d’Europe, et, vu de haut, le fouillis de verdure était charmant avec les nuances claires des abricotiers et des figuiers, et le feuillage brillant des poiriers et des grenadiers ; des bordures de cactus le rayaient dans tous les sens, et de hauts dattiers se balançaient au-dessus de lui comme des bouquets de plumes.

A tire-d’aile l’aérostat atteignit rapidement l’oasis, laissant derrière lui de vastes chantiers de rails et de traverses, et Guy, qui se figurait trouver une ville bâtie à l’arabe, avec des ruelles étroites et des maisons délabrées, fut surpris de trouver à la porte du désert des constructions françaises élégantes et des rues rectilignes.