Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/26

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« Que dans huit lunes environ, vos troupeaux soient rassemblés et prêts à suivre les combattants.

« Armez-vous enfin, et quand j’aurai parlé, mettez-vous en route sans souci pour ceux des vôtres que vous laisserez dans les villages.

« Allah pourvoira à leurs besoins !

« Dans huit lunes vous recevrez mes ordres derniers.

« Etes-vous prêts à m’obéir aveuglément ? »

— Nous t’obéirons, dirent tous les chefs en se levant et en portant la main droite à hauteur du front.

— Songez qu’un signe de moi pourra faire tomber mille têtes, que vos vies m’appartiennent.

— Elles t’appartiendront,

— Que vous devez marcher sans discuter.

— Nous marcherons, Allah te guide !

— Voici mon fils Omar, dit le sultan en mettant sa main sur l’épaule de l’Arabe qui se tenait debout derrière lui ; vous lui obéirez comme à moi : quoique jeune il a la sagesse. Il a surtout la science, car il a étudie dans leurs écoles ; il connaît leur civilisation, leur armement, leurs points faibles…

— Nous lui obéirons comme à toi.

— C’est bien, et maintenant allez : bientôt l’Europe aura vécu !

Et lentement, gravement, comme s’ils eussent marché derrière la fatalité, cette déesse « qui ne se hâte jamais, parce qu’elle est sûre d’arriver »[1], les chefs africains se retirèrent.

Quand, à son tour, le Commandeur des croyants fut descendu de son trône improvisé, de tous les coins de la clairière les Pygmées accoururent, et pendant que derrière eux les Soudanais cherchaient les corps tombés dans les hautes herbes et mettaient à part les cadavres noirs pour leur rendre les derniers honneurs au coucher du soleil, les petits hommes amassaient autour de la pyramide humaine formée par les blancs des troncs de figuiers sauvages, des branches de tamaris, des tiges de bambous et des buissons de « doums » résineux.

  1. Proverbe arabe.