Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/260

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25.000 soldats français que la mère-patrie envoyait ainsi en avant-garde contre les envahisseurs africains ; mais M. Durville se rappelait les inquiétudes mal dissimulées du général de Solis, et il se demandait si ce coin envoyé pour porter le premier coup dans la masse noire n’allait pas s’y ébrécher, si bien trempé fût-il, comme le fer d’une hache sur un bloc de granit d’Auvergne.

L’aérostat était descendu à 300 mètres.

Curieux et bruyants, les cavaliers d’un peloton qui se trouvait immédiatement au-dessous de lui faisaient entendre de joyeux appels.

— Plus bas, commanda l’ingénieur : mets-nous à portée de la voix.

En tête du peloton, monté sur un cheval bai dont la queue traînait à terre, un jeune officier agitait son képi.

Le ballon arriva à 80 mètres du sol.

— Bonjour, mon lieutenant, cria Guy en agitant les deux bras frénétiquement.

— Je vous salue, Monsieur ! et vive le Tzar ! répondit l’officier.

Il était cambré sur son cheval, à demi renversé sur sa selle, et montrait aux aéronautes une figure gaie, rieuse et rose, ornée de moustaches blondes ébouriffées et retroussées à la russe.

— Vous arrivez de France ? demanda-t-il.

— Oui, nous avons quitté Paris avant-hier.

— Avant-hier !…

Et la manière dont il répéta ce mot montrait son ahurissement.

— Et vous allez ? poursuivit-il.

— Nous voulions d’abord vous trouver pour nous mettre à la disposition de votre général, après quoi nous avons l’intention de pousser au-devant de l’ennemi pour le reconnaître.

— Nous n’avons pu encore le joindre : c’est navrant ; j’ai une peur du diable qu’il ne se dérobe, et comme nous ne pourrions le poursuivre bien loin à cause de nos impedimenta, ce serait une fameuse occasion de manquée.

— C’est votre seule inquiétude, lieutenant ? demanda l’ingénieur.