Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/266

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cement de toutes ses parties, ne contribuaient pas peu d’ailleurs à dissiper ses fâcheuses appréhensions du début.

— Que voulez-vous, dit le général d’une voix chaude et vibrante, que ces misérables hordes, sans discipline, sans cohésion, fassent contre moi ? je m’enfoncerai au milieu d’elles comme un sanglier ; de quelque côté qu’elles attaquent, des feux terribles les décimeront, l’artillerie formée dans les intervalles les mitraillera, et vous connaissez les effets de nos canons à tir rapide. Quand le désordre se sera mis parmi les assaillants et que leur élan aura été brisé par notre feu, la cavalerie chargera pour transformer la défaite en déroute. Voici toute la bataille, on peut la décrire à l’avance : remporter une victoire sur ces gens-là, ce n’est pas plus difficile que cela.

— C’est qu’ils sont innombrables, parait-il, mon général, fit l’ingénieur.

— Tant mieux ! plus il y en aura, plus le désastre sera grand, plus l’effet sera retentissant ; je n’ai qu’une crainte : celle de les voir m’échapper.

C’était la réflexion du lieutenant de chasseurs d’Afrique.

Du général au soldat le moral était bon, la confiance dans la victoire absolue, et M. Durville se rasséréna tout à fait.

— Mais j’y songe, reprit le général : le gouverneur me dit que vous voulez bien vous mettre à ma disposition.

— C’est pour cela que nous sommes ici, reprit l’ingénieur.

— Parfait ; alors je vais en user. Ce qui me manque le plus, c’est un renseignement précis, non pas sur le nombre de nos ennemis, vous savez le cas que j’en fais, mais sur la position et l’éloignement de leur noyau principal. Leurs coureurs sont littéralement insaisissables. Ces gens-là sont restés les Numides du temps de Jugurtha ; on n’a pu en pincer que deux, et encore n’y est-on arrivé qu’après un feu de peloton qui abattit leurs chameaux. Eh bien, ces deux gaillards que vous pouvez voir d’ici attachés à la queue de ces mulets, croiriez-vous qu’il est impossible de leur arracher deux mots : et pourtant j’ai employé les grands moyens.

— Lesquels, mon général ? demanda l’interprète.

— Ma foi j’ai commencé par leur faire allonger quelques coups de trique, puis, devant leur silence persistant, je les ai