Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/267

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fourrés devant un peloton d’exécution ; on les a mis en joue… rien. Ils n’ont pas dit un mot, et si vous les aviez vus devant les fusils braqués, impassibles, dédaigneux… de rudes hommes, tout de même !

J’espérais toujours qu’ils parleraient et je les avais fait attacher à la suite de mon escorte ; mais, puisque vous voilà, je n’ai plus besoin d’eux.

— Nous sommes à vos ordres, mon général, dit l’ingénieur.

— Eh bien ! dépassez ma cavalerie, ce qui vous sera facile, puisque, vous venez de faire en huit ou dix heures la traversée de Marseille à Alger. Allez voir au delà de mes éclaireurs et renseignez-moi le plus tôt possible ; voilà tout ce que j’ai à vous demander pour aujourd’hui.

— Il est déjà bien tard aujourd’hui, mon général, fit l’ingénieur, pour que notre reconnaissance soit fructueuse, pourtant nous avons encore quatre heures de jour environ et…

— C’est plus qu’il ne vous en faut, reprit vivement le général, pour aller observer et revenir, car je persiste à croire que l’ennemi n’est pas loin.

— Nous partons de suite ; mais si nous ne pouvions revenir avant la nuit, dites-nous où vous avez l’intention d’établir votre camp ?

— Où qu’il soit, vous le distinguerez aisément de très loin, d’abord à ses feux, ensuite et pour plus de sûreté, au foyer de magnésium que je ferai allumer tout exprès au-dessus de ma tente.

À ce moment, Saladin, qui depuis un instant examinait les deux Arabes prisonniers, s’approcha :

— Mon général, dit-il, me permettez-vous de vous demander qui a interrogé ces deux hommes ?

— Mon interprète en chef, M. Bossoutrot.

— Et quelle langue leur a-t-il parlé ?

— Eh ! parbleu ! l’arabe pur, l’arabe classique.

— C’est que je crois reconnaître en eux le type Kel-Owi, et vous n’ignorez pas que la langue « temahaq », employée par cette fraction des Touaregs n’a rien de commun avec l’arabe courant ; c’est un dialecte particulier, et peu connu même de nos meilleurs arabisants.

— Et vous le connaissez ?