Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/293

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L’ancien boulevardier avait essayé de retrouver dans cette installation succincte quelque chose de son petit appartement de la rue Daunou, et il avait emporté avec lui quelques armes de valeur, cadeaux d’amis revenant de pays exotiques.

Deux surtout hypnotisaient l’interprète, et il ne pouvait en détacher les yeux : c’étaient deux poignards recourbés en forme de yatagan, sans fourreau, à manches d’ivoire fouillé, et dont les lames larges comme trois doigts jetaient des reflets bleuâtres.

Pour la réalisation de ses projets, c’était l’arme qui lui manquait le plus.

Pourrait-il les décrocher sans bruit ?

Il entra tout à fait, et par bonheur son pied rencontra d’épais tapis.

Son cœur battait à rompre.

S’il était surpris là !…

Et comme il décrochait le second poignard, et cela sans peine, car ils étaient suspendus par un simple anneau comme les poignards arabes, une trépidation se fit entendre au-dessous de lui.

Il s’arrêta frémissant, deux perles glacées aux tempes, la main crispée sur la carabine, les couteaux jetés sur le lit.

Qu’eût-il fait si Guy de Brantane fût entré ?

Eût-il eu la présence d’esprit nécessaire pour dire qu’il était venu chercher les armes afin de les distribuer à l’équipage ?

Mais il se passa la main sur le front. Sa peur était folle Ce bruit, maintenant régulier, c’était le mouvement du piston de la machine à « gazoline » qui allait mettre la dynamo en marche.

Il reprit les deux poignards, franchit sans bruit les deux pas qui séparaient la cabine de Guy de Brantane de la sienne propre, tourna la clef, entra chez lui et s’enferma à double tour.

Là il respira.

Il n’était pas seul pourtant.

Accroupis sur la couchette comme deux idoles hindoues, les deux Touaregs dont il avait si adroitement machiné la