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que s’il eût commandé à la manœuvre ; une sonnerie de trompette porta son ordre jusqu’aux batteries les plus éloignées.

Peu à peu, le silence s’était fait ; les tentes avaient complètement disparu ; le sol tout à l’heure rayé de lignes blanches, confusément entrevu, ne montrait plus que de larges carrés noirs se perdant dans l’obscurité.

Ce fut une demi-heure recueillie que celle qui s’écoula ensuite.

Saladin debout, penché sur le bastingage, suivait les feux de la lumière.

Pour lui aussi une grande partie allait se jouer.

— Ils marchent toujours, répéta l’ingénieur d’une voix mal assurée.

— Fixez bien la lumière sur le centre de leur front, dit le téléphone ; puis, promenez-la lentement sur ce front de droite à gauche aussitôt la première salve tirée.

Alors la voix du général s’entendit de nouveau :

— Allez-y, capitaine, et rappelez-vous qu’il vaut mieux vous tromper en plus qu’en moins ; ça tombera dans le tas.

Il avait quitté le ton de commandement et parlait d’un air bon enfant, d’un ton très calme.

Et Saladin, se penchant, vit six éclairs jaillir parallèles de six gueules d’acier.

Presque aussitôt six globes de feu s’élevèrent du milieu des rangs pressés des Noirs, et tel était le parfait réglage du tir, que le capitaine de la batterie, ayant donné à chaque pièce une hausse différente et croissant uniformément de la droite à la gauche, les six points de chute apparurent sur une même ligne oblique par rapport au front des six pièces.

Alors, la lumière du réflecteur se déplaça et le feu rapide de l’artillerie commença sans discontinuer, zébrant d’éclairs les deux fronts du camp.

À cette lueur tout sortit de l’ombre ; les bataillons apparurent, transformés en carrés ouverts ; ils avaient supprimé momentanément leurs faces internes, pour reporter sur les faces extérieures des fusils qui eussent été trop longtemps inutiles.