Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/302

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L’ingénieur remarqua aussi que chaque bataillon avait gagné du terrain en avant, s’éloignant de l’axe de marche ; ils se débordaient ainsi davantage les uns les autres et se flanquaient plus efficacement cependant que l’angle saillant de la « hure », devenu par la même plus aplati, se montrait moins vulnérable.

Au centre du camp, les voitures avaient été serrées essieu contre essieu, les timons se faisant face ; chevaux et mulets avaient été enfermés dans le parc ainsi formé.

Les Noirs avaient-ils prévu l’intrusion de la lumière électrique dans cette rencontre ?

Non certes, car sans elle l’artillerie n’eût pas commencé son tir aussitôt.

Maintenant elle faisait rage.

Et il semblait aux passagers que la-bas, où tombaient ces météores, répondaient des hurlements de douleur et des cris de rage.

Mais c’était un effet de leur imagination ; les Noirs continuaient à avancer ; leurs blessés tombaient, mais ne criaient pas.

Soudain, à son tour, le front d’un des bataillons s’illumina ; une crépitation ardente monta vers le ciel.

C’étaient les feux d’infanterie qui commençaient.

La menaçante ligne noire n’était plus qu’à 1.000 mètres ; les myriades d’obus qui s’étaient abattus au milieu d’elle n’avait ni hâté, ni ralenti sa marche d’une minute, et l’on pouvait maintenant prévoir qu’elle aborderait le camp français dans moins d’un quart d’heure.

Saladin regarda sa montre, elle marquait 11 heures 15.

Une idée d’une étrange fixité l’envahissait.

Supprimer ce rayon lumineux qui, permettant aux blancs de tirer à coup sur, allait peut-être leur assurer la supériorité dans ce combat nocturne.

Mais comment arriver à ce résultat ?

Un instant il eut l’idée d’aller ouvrir la porte à ses deux alliés, de les lâcher comme deux forcenés sur la plate-forme, de risquer le tout pour le tout.

Mais tout l’équipage était là rassemblé ; même avec la surprise que provoquerait cette agression, étaient-ils certains de pouvoir se débarrasser de huit hommes aussi résolus ?