Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/308

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Puis, les ilots que formaient les escadrons décrurent peu à peu ; fatigués de frapper et de tuer, entourés d’ennemis insaisissables qui, glissés sous les jambes des chevaux, leur ouvraient le ventre avec leurs poignards recourbés ou coupaient les pieds des cavaliers, les chasseurs d’Afrique s’abattaient et étaient égorgés aussitôt.

Successivement l’escadron le plus avancé disparut, puis les suivants.

Le 2e régiment de chasseurs d’Afrique venait de se fondre dans cette effroyable tourmente comme un morceau de lave dans une coulée de l’Etna.

Pas un cavalier n’était revenu.

Du haut de la nacelle, les passagers, muets d’horreur, avaient assisté à ce lugubre épisode.

Puis, Guy avait épaulé son arme et s’était mis à tirer dans le tas.

Les hommes de l’équipage l’avaient imité.

Quant à voir où et comment portaient les coups, il ne fallait pas y songer.

Ce qui était certain, c’est qu’aucun d’eux n’était perdu.

Tout à coup, en arrière de l’armée noire un feu s’alluma, jetant dans la nuit des gerbes d’étincelles.

Et là, était certainement le chef de cette multitude, car aussitôt, une rumeur immense ébranla les airs et monta vers le ciel.

Au silence relatif qu’elle avait observé jusque-là, l’armée musulmane fit succéder une effrayante clameur.

C’était l’heure suprême.

Enjambant l’épais rempart de morts derrière lequel ils s’étaient tenus jusque-là, les Noirs se ruaient à l’assaut final.

La fusillade avait repris ardente du côté des Français ; les deux faces du camp ne formaient plus qu’une ligne de feu continue.

Comment dépeindre la course furibonde de ce torrent d’hommes au milieu de mugissements sans nom : ces démons brandissant des armes de toutes sortes, se lançant tête baissée dans la fournaise ; ces épaisses grappes de Noirs se succédant, fondant, disparaissant pour surgir de nouveau, presque aussitôt remplacés par d’autres ?