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Mais telle était l’influence de leurs rois sur ces deux peuples, que cette sauvage et hideuse coutume avait presque disparu de leurs États en moins de deux ans.

Ce soir de novembre, quelques jours après le massacre de la mission italienne, le sultan arriva à son « tomba » où le roi Mounza commandait en son absence, et comme il venait de franchir le pont-levis à l’aide duquel on pénétrait dans son réduit, deux Soudanais entrèrent accompagnant un homme enchaîné portant le costume arabe.

Mais s’il avait le costume arabe il n’en avait pas le type : au premier abord et sans s’y méprendre, malgré son teint bronzé par le soleil des tropiques, on reconnaissait en lui un Européen.

Il avait les deux pieds reliés par une chaîne qui lui laissait la liberté de marcher, et ses poignets étaient réunis par des cordes en fibres d’élaïs.

Un des serviteurs du roi Mounza le suivait, porteur d’une large épée nue.

C’était Mazimbé, le bourreau du roi des Monbouttous.

— Qu’est-ce ? fit le sultan s’adressant a lui.

— Un prisonnier que nos guerriers ont fait hier sur les bords mêmes de la rivière, au moment où il allait se mettre comme les autres au lavage de l’or.

— Pourquoi Mounza me l’envoie-t-il ?

— Le roi l’a condamné à mort, car c’est un étranger ; mais avant de me le livrer, il a tenu à le faire paraitre devant toi à ton arrivée parce qu’il a, parait-il, des choses graves à te dire.

— A moi ?

— A toi-même.

— Que me veux-tu ? parle, dit le khalife s’adressant au prisonnier.

— Un homme de ma race ne parle pas avec des chaînes aux pieds et aux mains, répondit l’inconnu : fais-moi détacher et renvoie ces gens. Ce que j’ai à te dire ne doit être connu que de toi seul.

Le sultan regarda fixement l’homme qui lui parlait ainsi.

Il était de haute taille, maigre et osseux. Son teint brûlé avait dû être primitivement d’un rouge brique et sa barbe inculte était d’un roux ardent. Ses yeux d’un vert clair lui-