Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/41

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À ce moment, Embareck, le premier khodja (secrétaire) du sultan, entra en se courbant :

— Maître, dit-il, deux frères qui viennent de loin demandent une audience de ta hautesse.

— D’où viennent-ils ?

— De l’Inde.

— Introduis-les.

Deux hommes entrèrent : ils paraissaient exténués de fatigue ; leurs longues robes de couleur, semblables à celles des Persans, étaient lacérées par les épines et leurs sandales en cuir jaune bâillaient lamentablement.

C’étaient les envoyés d’All-ed-Din, le dernier descendant de la dynastie musulmane des Gourides, qui, venue du pays des Turcomans, régna Sur l’Inde pendant deux siècles et n’en fut chassée que par Tamerlan.

Depuis que le sultan lui avait envoyé un émissaire de confiance pour le sonder et lui demander de s’associer à sa gigantesque entreprise, Ail-ed-Din abhorrant les Anglais et plein du souvenir des hauts faits de ses ancêtres et de la splendeur de Delhi avant l’invasion Mongole, avait travaillé à réunir en un faisceau les forces musulmanes de l’Inde.

Et si l’on songe que cette contrée, la plus peuplée du globe, eu égard à sa superficie, puisqu’elle renferme 280 millions d’habitants, contient 70 millions de musulmans, on comprendra quelle importance le sultan attachait à ce que le mouvement panislamique l’entrainât elle aussi.

— Prince des fidèles, dit le plus vieux des messagers, mon maître est en ce moment à Bombay : nous l’avons quitté au commencement du mois de Moharem et voici les paroles qu’il nous a confiées pour toi : « J’ai parcouru, a-t-il dit, la province d’Haiderabad, de Madras et de Bombay, et j’y ai répandu la bonne parole. Tous les disciples du prophète se réjouissent et tous espèrent que des jours glorieux vont luire pour l’Islam. Dans six lunes, sous le prétexte de fêter le Ramadan, ils se réuniront en des points choisis d’avance et agiront. Tu peux compter sur eux : leur nombre augmente tous les jours. »

— Je n’attendais pas moins de ton maître, dit le sultan : Le descendant de Cubt-ed-Din ne pouvait renier sa noble origine.