Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/49

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Sa méditation terminée, le sultan se tourna vers le Soudanais gardien du trésor qui, debout dans un angle du rocher, semblait une cariatide de bronze.

— Veille, Mata ! fit-il.

Mata était un des serviteurs de confiance du sultan : il couchait dans ce souterrain, insouciant des millions qu’il renfermait, dévoué avant tout au maitre qui l’avait arraché à un négrier de Sokoto, lui et sa femme Alima, et leur avait rendu la liberté.

La liberté, Mata n’avait su qu’en faire : trop loin de son pays, il était des bords de l’Ogoué, il avait suivi comme un chien fidèle parmi les bagages de maître, suivi lui-même de la pauvre petite négresse encore meurtrie du carcan de bois qu’elle avait traîné dans le Sahara.

Et le sultan, touché de cette affection muette, lui avait donné ce poste de confiance dont il était très fier. Il se relayait pour veiller avec un Nubien, un géant comme lui, nommé M’raoui.

— Maintenant, dit le sultan à Mounza, montre-moi le dernier envoi de fusils arrivé de Cameroun.

Ils remontèrent l’escalier et en gravirent un autre qui conduisait au premier étage : car les armes devaient être placées dans un endroit sec et les deux étages de la forteresse leur étaient spécialement affectés.

Dix salles en étaient pleines : elles étaient rangées avec ordre par modèles, et des étiquettes écrites en arabe indiquaient leur système et leur provenance.

Les Martiny anglais et les Werndl autrichiens, les Remington espagnols et les Berdan russes, les Mauser allemands et les Gras français, les Comblain belges et les Vetterli italiens s’y alignaient en files pressées, et trente nègres étaient sans cesse occupés autour d’eux ; les uns, les graissant avec la moelle de l’arbre à beurre ; les autres, les empaquetant dans de grandes nattes pour les expéditions prochaines.

Dans une autre partie de la forteresse étaient empilées les caisses de cartouches qui allaient suivre les fusils.

Et comme le sultan arrivait devant une rangée d’armes qu’il voyait pour la première fois dans son arsenal :

— Quels sont ceux-ci, Mounza ? dit-il.