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superficie du Portugal, remplie de crocodiles et de rhinocéros, se rétrécissant ou s’élargissant, suivant que le Chari, grossi du Bagbirmi, lui apportait plus ou moins d’eau.

Kouka, capitale du Bornou, située à quelque distance du lac, est une des grandes agglomérations et un des principaux marchés de l’Afrique centrale[1].

Elle se compose de deux villes entourées de murailles distinctes : l’une habitée par les gens riches est bien construite et renferme, outre le palais du sultan, de vastes demeures ; l’autre est formée de ruelles étroites où s’entassent des maisons petites, sales et dont la moitié tombe en ruines. Un espace de huit cents mètres qui sépare les deux cités est traversé dans toute sa longueur par une grande voie plantée d’arbres, faisant communiquer les deux parties de la ville.

C’est là qu’avait lieu le marché aux esclaves.

De là partaient ces lugubres caravanes qui semaient, tout le long du Sahara, les femmes et les enfants trop débiles pour marcher et dispersaient leur vivante marchandise dans le Fezzan et les villes de la côte tripolitaine.

Ce fut là que le sultan reçut les chefs qu’il avait convoqués.

Chacun d’eux ayant amené avec lui une troupe armée, composée de ses plus beaux guerriers, les environs de Kouka étaient couverts des campements les plus variés et une animation extraordinaire régnait dans toute la région.

On se rappelle que le bruit de ce palabre gigantesque parvint jusqu’en Europe ; les journaux s’en occupèrent quelque temps, mais les Anglais, bien que les possessions de la « Royal Niger Company » fussent assez voisines de Kouka, ne s’en émurent guère et n’y virent que des menées dirigées contre Tambouctou, dont l’essor sous la domination française excitait leur jalousie.

C’est que le sultan eut l’habileté d’en répandre le bruit, si bien que, de cette réunion de quatre sultans et de deux émirs qui aurait dû donner l’éveil à l’Europe, il ne résulta qu’une chose : la création d’un sixième régiment de tirail-

  1. Voyage du commandant Monteil.