Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/76

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teurs arabes qui, chaque soir, les charmaient par leurs récits enfantins et merveilleux.

Et à cette heure, il fallait que la fatigue eût été bien forte, pour qu’ils se fussent déjà retirés dans les wagons couverts où ils s’empilaient chaque nuit pour dormir.

Du chantier désert où les piles de rails, de traverses et de coussinets alternaient avec les outils réunis chaque soir en tas, le capitaine reporta ses yeux vers son camp.

Il y avait là une compagnie de tirailleurs appartenant au 5e régiment.

Depuis un mois elle servait d’escorte à la mission d’ingénieurs chargés de l’établissement du chemin de fer qui, partant de Tambouctou, se dirigeait à travers le désert vers la côte algérienne.

C’était l’œuvre du Transsaharien qui prenait corps.

À l’autre extrémité, du côté du Nord, il était commencé depuis trois ans déjà.

On avait d’abord eu l’idée d’adopter, pour cette immense voie de 2.600 kilomètres, le tracé préconisé par Largeau, et partant de Biskra, pour suivre la vallée de l’lgharghar par Tougourt, Ouargla, El-Biodh, Amguid et Idelés.

Mais finalement on en était revenu au tracé de l’ingénieur, Duponchel, tracé qui, partant d’Alger et se dirigeant directement sur Laghouat, dessert les oasis du Mzab, passe par Ghardaya et Metlili, traverse El-Goléah et les bordj d’Inifel et d’Hassi-el-Ameur avant d’atteindre In-Salah, l’oasis principale du Touat.

De là, la voie devait franchir, presque en ligne droite, les 1.300 kilomètres qui séparent In-Salah de Tambouctou en traversant le désert crayeux de Tanezrouft et les sables mouvants d’Afélélé.

Tambouctou !

Que de curiosités et d’ambitions avait provoquées l’exploration d’abord, puis la possession de cette reine du Sahara !

Et pourtant combien elle était déchue de son ancienne splendeur, la cité qui, à l’époque de la domination des Songhaî, au XIVe siècle, était devenue, grâce aux savants ramenés de la Mecque par le prince Askia, l’une des lumières de l’Afrique occidentale.