Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/90

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mier coup, l’étoile de Sankore leur apparut très brillante avec quelques interruptions.

Les télégraphistes communiquaient.

— Que disais-tu donc, Nedjma ? dit l’officier, tu vois qu’elle n’est pas éteinte !

— Elle s’éteindra quand Dieu voudra, dit la jeune fille le regardant fixement et parlant d’une voix grave qu’il ne lui connaissait pas.

— Tu es plus sérieuse encore qu’à l’ordinaire, ce soir, Nedjma, fit le capitaine.

— C’est que j’ai des raisons de l’être, Lioune, fit-elle.

— Et lesquelles, s’il te plait, petite fille ?

Nedjma se tut : en la traitant ainsi, de Melval l’avait blessée et attristée.

Elle avait bien remarqué qu’il la regardait comme une enfant, mais elle aussi connaissait la photographie de Mlle Fortier : elle avait remarqué les regards qu’y jetait l’officier, et, depuis le jour où elle avait deviné que son cœur était loin, elle s’était renfermée dans un mutisme presque absolu.

Ils restèrent là tous deux assis dans le sable : il était encore tiède de la chaleur du jour et les autruches sont bien inspirées par leur instinct lorsqu’elles lui confient le soin de faire couver leurs œufs.

— Tu ne regrettes pas ton pays, Nedjma ? fit l’officier après un long moment de silence ; voudrais-tu retourner au bord de la mer, là-bas ?

Et son bras montrait l’Occident.

— A quoi bon ! fit-elle, d’une voix traînante et douce, mes parents n’y sont plus, les tentes sont parties et mes brebis sont dispersées.

— Alors tu ne veux pas que je te confie à la première caravane qui passera, pour essayer de retrouver ton père et tes frères ?

— Non ; si je dois les retrouver plus tard, c’est que Dieu l’aura permis.

Ils se turent encore, et, soudain, en reportant les yeux vers Tambouctou, l’officier ne vit plus le rayon lumineux du télégraphe.

— Quelles idées bizarres tu as ce soir, ma pauvre petite !