Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/96

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Il regarda la jeune Mauresque, se rappelant ses tendres propos de la nuit lorsqu’elle l’avait cru en danger.

Ses yeux fixaient obstinément le sable. Il lui prit la main.

— Merci, Nedjma, dit-il tout bas, très ému par cet acte accompli si simplement.

Et comme elle se détournait, il vit une larme briller dans sa paupière.

— Tu es ma petite sœur, dit-il, en serrant fortement la main qu’elle lui abandonnait.

Elle ne répondit rien.

« Si ton cœur est chaud, dit un proverbe arabe, entoure-le d’un rempart de glace ».

Sans connaître le proverbe, Nedjma, sentant son amour isolé, le masquait sous l’impassibilité de sa race.

Ce que fut pour la petite caravane cette course à travers le désert serait trop long à raconter.

Après les plaines de sable elle aborda un plateau de grès sur lequel le quartz se mêlait au grès rouge et que coupait, en bandes parallèles, le lit de plusieurs oueds desséchés.

Puis ce fut une série d’ondulations calcaires serpentant en larges bandes parallèles comme une mer de craie blanche, et, pendant quatre jours, les malheureux, perdus dans cette immensité, se trainèrent dans la direction que fixait la boussole, les yeux brûlés par la réverbération du sol durci, la gorge sèche, les pieds ensanglantés.

Heureusement le flair de Baba et sa connaissance du Sahara les amenait toujours, vers le soir, au point d’eau qui leur rendait des forces pour le lendemain : puits saumâtre, source d’eau chaude, mare salée ou sables humides.

Pendant le jour, son fusil leur procurait les vivres, il avait successivement abattu une antilope, un onagre et un renard des sables. Mais après chacune des détonations qui se répercutaient de dune en dune, Nedjma effrayée explorait l’horizon, s’attendant toujours à voir apparaitre le pirate du désert, le maigre Targui, que trahit au loin l’éclair scintillant de sa lance barbelée.

— Ce sont les gardes de notre seigneur le Sultan, dit-elle un jour qu’elle avait cru voir s’allonger au loin sur la plaine l’ombre du méhari, « vaisseau des sables ».