Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/95

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— Tu avais donc fait des provisions ? fit le lieutenant.

— Oui, dit le tirailleur, je savais.

Alors Zahner remarqua qu’il était armé : il était le seul qui eût songé à emporter son fusil, et, à son ceinturon, on voyait les deux cartouchières rebondies qu’il avait dû bourrer de munitions la veille.

Et en effet, Baba avait, comme ses coreligionnaires, connu le complot dont le marabout avait été depuis un mois l’agent le plus actif ; mais il se serait considéré comme un maudit si, malgré le dévouement qu’il avait pour son officier, il le lui avait révélé.

Cependant, au dernier moment, son attachement avait pris le dessus et il l’avait suivi ; ce fut grâce à lui que la petite troupe dut de ne pas mourir de faim, au milieu des sables, le deuxième jour.

— Avez-vous emporté votre revolver, Zahner ! demanda le capitaine.

— Non, et c’est un de mes plus grands regrets.

— Moi aussi.

Et comme il reportait tristement les yeux du côté du Niger :

— Tiens, Lioune, fit la jeune mauresque, qui n’avait pas voulu manger et s’était tenue à l’écart pendant toute cette discussion :

Elle tendait au capitaine son revolver, sa bourse et son portefeuille.

— Comment as-tu cela ? fit-il au comble de la surprise.

— Ne te l’ai-je pas dit ? je savais ce qui allait arriver ; je suis allée dans la tente pour y prendre tout.

— Tiens, ajouta-t-elle, voilà encore ta montre pour voir l’heure et l’autre pour reconnaître ton chemin.

Et elle lui donna sa boussole.

— Et qu’est-ce cela ? demanda de Melval lorsqu’elle lui tendit un petit paquet entouré de toile bleue.

— C’est quelque chose à quoi tu tiens plus qu’à ton or et qu’à tes armes, je le sais, dit-elle, d’une voix mal affermie, et, comme tu aurais eu du chagrin en le croyant perdu, je te l’ai apporté.

L’officier l’ouvrit : c’était le cadre en bronze doré qui contenait la photographie de sa fiancée.