Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/28

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1.000 kilomètres de là, dans le désert impénétré qui fait suite au désert libyque.

Un point blanc se dessina vers le Nord, et, dans la lunette, Saladin reconnut une ville ; en se reportant sur la carte très incomplète qu’il avait sous les yeux, car l’ingénieur n’avait guère espéré atteindre ces régions situées à plus de l.800 kilomètres de Tambouctou, il pensa que ce devait être Ngouri ou Mondo.

Quelques coups de soupape amenèrent rapidement le ballon à 100 mètres du sol. Mais ils avaient été donnés par une main encore inexpérimentée, c’est-à-dire trop rapprochés Saladin craignit de toucher terre et hâtivement jeta au dehors quelques saumons de plomb.

Il était temps. D’effroyables vociférations se faisaient entendre au-dessous de lui.

Quand le ballon fut équilibré à 500 mètres environ, l’interprète regarda au dehors.

Déjà les deux Touaregs, penchés sur le bordage, écarquillaient les yeux devant le spectacle qui s’étalait à leurs pieds et qui, de l’altitude de 3.000 mètres où ils voguaient tout à l’heure, leur avait complètement échappé.

C’était une véritable bataille qui se livrait sous leurs yeux. Plus de dix mille indigènes étaient réunis sur un étroit plateau dans une mêlée extraordinaire

Quelques coups de feu se faisaient entendre mais ils étaient isolés et tout se passait à l’arme blanche, au milieu de hurlements épouvantables.

Pendant quelques instants, l’interprète et ses deux complices assistèrent, muets, à cet égorgement si différent des luttes européennes.

Comment donc les combattants pouvaient-ils se reconnaitre dans ce corps à corps, où Saladin ne distinguait qu’un fouillis de burnous blancs et de chéchias rouges, de bras noirs se levant et s’abattant avec rage, de couteaux, de sabres et de zagaies, jetant de rapides éclairs

La guerre contre le blanc, le chrétien, n’avait donc pas fait l’union entre tous les musulmans, et les luttes de tribus subsistaient donc encore sur le continent africain ?

Mais le vieux Targui n’eut pas besoin d’une longue observation pour discerner le vieil ennemi de sa race.