Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les Slimans ! s’écria-t-il.

Il les avait reconnus à leurs fez bruns, au litham blanc qui leur couvrait la bouche, à leurs larges cimeterres, souvenir de leur origine turque, et aux peaux de mouton ou de girafe qu’ils portaient autour des reins.

Il ne pouvait s’y tromper c’était bien l’éternel ennemi que depuis deux siècles les Touaregs trouvaient devant eux dans cette partie du Sahara, celui qui leur avait barré route du Borkou et avait essayé de leur ravir la riche oasis de Bilma, entrepôt du sel de l’Afrique centrale.

Les yeux du vieux Targui étincelaient, et ses doigts crispés sur le bordage montraient avec quelle ardeur il eût pris part à la lutte.

Il se rappelait, en effet, que ses frères les avaient massacrés jadis ; il avait souvent entendu, dans les tentes de cuir, les femmes chanter les exploits de ses ancêtres.

Puis il étendit le bras :

— Les frères du voile s’écria-t-il.

En effet, au milieu de la mêlée, Saladin remarqua des Touaregs combattant à pied.

Soudain, les deux Berbères trépignèrent sur le plancher de la nacelle, et Saladin crut un instant qu’ils allaient franchir la balustrade.

C’est qu’en effet la victoire penchait visiblement du côté de leurs frères.

On voyait des Ouled-Slimans par petits groupes tenter de se détacher de ce corps à corps étouffant et prendre la fuite mais ils étaient aussitôt rejoints par d’épaisses grappes d’Arabes, dont les burnous flottaient comme des ailes d’albatros, et des combats partiels s’engageaient un peu partout.

Puis le gros des Ouled-Slimans recula en désordre, et, comme un animal aux mille tentacules, la masse des combattants oscilla, se déplaçant vers un des angles du plateau. Peu à peu elle en atteignit l’extrémité, semant de morts le terrain parcouru.

Mais là le combat reprit avec rage, et en l’observant dans la longue-vue, Saladin comprit bientôt pourquoi les Dévoreurs faisaient une résistance désespérée ils étaient acculés à un précipice que trahissait seulement, pour l’observateur aérien, l’ombre portée du rocher sur la plaine.