Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/48

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avait reçu de façon hautaine les envoyés que le Mahdi lui avait expédiés au nom du Sultan.

Il n’avait pas voulu croire à l’étendue, encore moins à la généralité du mouvement musulman, qui, depuis plusieurs années, se préparait autour de lui : moins fier que son père, il avait accepté de Rome une mission militaire italienne qui, installée à Gondar, dressait son armée à l’européenne.

— « Allez dire au Mahdi, répondit-il, que les Abyssins, chrétiens depuis cinq siècles, ne renonceront pas à leurs croyances sur un ordre de lui. »

Ce n’était pas que les empereurs d’Abyssinie tinssent beaucoup à leur religion : il en était de Ménélik comme de Théodoros, qui, son pistolet braqué sur le patriarche abyssin, lui ordonna certain jour où il était de méchante humeur, de lui donner sa bénédiction à la place d’une excommunication largement méritée.

D’ailleurs, le clergé abyssin était dans un état de dégradation telle, qu’il n’avait plus aucune influence, ni sur le peuple ni sur les nobles.

C’était donc plutôt l’orgueil que la foi qui avait dicté la réponse de Ménélik.

Elle allait coûter cher à son peuple et à lui-même.

— « Allez, allez, et soyez sans pitié, avait dit le Sultan aux principaux chefs de la Garde noire, lorsqu’il avait connu le refus du Négus : ces maudits sont une tache sur la terre d’Afrique ; il y a cinq siècles ils étaient musulmans, ils ont renié leur foi : ils sont jugés et condamnés. »

Il avait d’abord songé à donner à Omar le commandement de cette expédition ; mais il avait trop besoin de son chef d’état-major pour régler la marche et la concentration des masses, qui sans cesse affluaient au Nil, et certain à l’avance du succès, avec les forces énormes qu’il envoyait contre Ménélik, il avait confié la « Légion du Prophète » au roi Mounza.

Il savait qu’au point de vue de la férocité, celui-ci ne le cédait à personne, et qu’après son passage il ne resterait rien de ce qu’avait été, à une époque brillante de l’histoire, le royaume d’Éthiopie.

Le Sultan garda auprès de lui trente mille hommes pour