Il était devenu d’une pâleur mortelle : car cette bague il la reconnaissait, l’ayant vue plusieurs fois au doigt de la jeune fille.
Il savait que sa mère avait fait faire cette miniature d’elle à l’âge de quatorze ans et qu’elle tenait beaucoup à ce bijou.
Il avait même songé à le lui demander au départ, mais il n’avait osé…
— Vous l’avez volée, fit-il d’une voix étranglée ; vous l’avez volée… volée !…
— Ça ne vous suffit pas, dit Saladin dont le calme était effrayant ; attendez, ce n’est pas tout. Connaissez-vous son écriture ?
— Elle vous a écrit !
— Voilà son dernier mot ; je l’ai reçu le matin même de mon départ.
Et l’interprète tendit au jeune homme la lettre qui lui était destinée, à lui de Melval, mais qui, par une fatalité inconcevable, contenait une phrase à double sens.
Et, trouvant cette lettre entre les mains de Saladin, ne pouvant douter qu’elle fût adressée à cet homme, le jeune officier ne pouvait pas comprendre la malheureuse phrase autrement qu’il ne la comprit.
Il lut :
« Mon bien-aimé, je vous attends ; oh ! revenez vite auprès de votre Christiane et rapportez-lui cette bague de jeune fille pour l’échanger contre l’anneau d’or qui lie pour toujours. A tout jamais mon cœur vous appartient. J’avais cru aimer jadis, c’est aujourd’hui seulement que je sens toute la puissance de mon amour pour vous. — Revenez ou fasse Dieu que je vous rejoigne. » « Votre CHRISTIANE. »
Saladin avait suivi attentivement sur les traits de son rival l’effet produit par cette lecture ; une joie intense l’envahit… Il tenait sa vengeance, car il n’y avait pas à s’y méprendre, l’officier souffrait affreusement !
Le coup était porté et bien porté !
De Melval était comme ivre ; il froissa le billet, le mit dans sa poche d’un geste machinal.
Il voulut parler : aucune syllabe ne put sortir de sa gorge serrée.