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Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/11

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Mais le Sultan fronça le sourcil.

Ma tente ici… où je suis ! répéta-t-il.

Et le chef des services administratifs de l’armée musulmane s’inclina profondément, devenu muet, car il savait que le Maître ne répétait jamais un ordre trois fois.

Des serviteurs s’ébranlèrent, des tapis furent déroulés, une file de chameaux escalada les pentes et, deux heures après, sur l’étroit plateau du Kaisch, couronné de tamarins, le camp du Sultan était dressé, dominant de son croissant toute la presqu’île de Scutari, la mer de Marmara et la légion du prophète.

Tout autre avait été l’impression produite par la vue de Constantinople sur les deux officiers français. Ils avaient devancé l’escorte du Sultan pour arriver plus vite sur la montagne, de Melval sur son coursier Mordjan et Zahner ayant beaucoup de peine à le suivre sur un cheval syrien ; et lorsque le merveilleux panorama de la Byzance moderne se déroula devant eux, ils sautèrent à terre et se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.

— Constantinople !

— La liberté !… la liberté !…

— Pas encore, répondit Melval, le bras tendu vers Constantinople : il nous faut d’abord entrer là et ce ne sera pas facile, regarde.

— Bah, dit Zahner, en parcourant d’un regard la ligne des cuirassés à l’ancre dans le détroit, il n’y en avait pas davantage à Bab-el-Mandeb ; le bras de mer était vingt fois plus large et des millions de nègres ont passé quand même.

— C’est vrai, mais chat échaudé craint l’eau froide, et je crois que la surveillance sera telle autour de ces bâtiments que les torpilles du Sultan n’auront aucune prise sur eux. Et d’ailleurs, a-t-il encore des torpilles ?

— Probablement non, dit Zahner, ni torpilles ni chimiste pour en fabriquer, puisque tu as supprimé Zérouk ; il lui faudra donc trouver autre chose, mais il trouvera, j’en suis sûr et il passera. S’il ne peut arriver par terre ni par mer, il arrivera autrement, quand il devrait monter dans la machine de ce gueux de Saladin…

De Melval se retourna brusquement comme si une vipère l’eût piqué au talon.