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Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/12

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Au loin, dans la direction d’Ismid, le Tzar se détachait en noir sur l’azur du ciel, gros comme une escarboucle.

— On dirait que ce misérable est revenu tout exprès, dit-il, car, depuis quinze jours, nous n’avions pas revu son maudit ballon et j’étais presque tranquille.

— Il ne m’a pas pardonné sa raclée de Khartoum, mais il doit se méfier, car à la prochaine occasion, il en recevrait un duplicata ; c’est un rude gredin. Tu crois toujours qu’il a cherché à tuer Nedjma ?

— J’en suis persuadé ; aussi, tu as pu le remarquer, depuis cette nuit où il a tué Alima, la pauvre petite négresse de Mata, je ne laisse plus jamais Nedjma dans ma tente qu’il connait trop bien ; je l’éloigné du camp, ce qui est plus facile, depuis que nous sommes en Asie Mineure où nous couchons dans des maisons, et je suis bien tranquille à son sujet, car Mata, qui s’est attaché à moi comme un chien, la veille mieux que je ne la veillerais moi-même.

— Pauvre nègre ! lui si gros, si fort, il est devenu d’une maigreur depuis ce soir-là !

— Et on croit que les peuples civilisés ont le monopole de la passion ; que les noirs aiment comme des brutes, comme des animaux, quelle erreur !

— Si j’étais à la place de Saladin, fit Zahner, je ne serais pas tranquille : j’ai surpris dans les yeux de Mata, quand il fixe le ballon, des regards chargés d’une haine effroyable, et un soir que l’aérostat était près de nous, je l’ai vu derrière un palmier, ne se croyant pas observé, examiner le mode d’attache de l’ancre avec une attention extraordinaire ; il doit rouler dans sa grosse tête crépue quelque vengeance atroce.

— Ce n’est pas moi qui l’en dissuaderai ; quelle immonde canaille que ce traître ! Et dire que, lui aussi, attend la chute de Constantinople avec impatience.

— C’est vrai : le Sultan lui a promis le commandement d’une armée, dès qu’il aurait mis le pied en Europe.

— Et ce sera un dangereux adversaire ; mais, fit Zahner, j’y songe, si nous le supprimions, ce gaillard-là, avant de regagner la France ?

— Impossible, mon brave ami, ne t’en souviens-tu pas ?

— Et qui donc s’y opposerait, voyons ? la veille de notre départ…