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Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/32

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Depuis un mois les deux officiers vivaient non loin de ce terrible caravansérail où s’accumulaient les malades et les morts, et jamais ils n’avaient ressenti la moindre colique ou les hoquets, menaçants précurseurs du vomito-negro.

Mais ce n’était pas ce sujet qui hantait l’esprit de Zahner au moment où il allait mettre le pied sur la terre d’Europe.

À cette heure il ne songeait qu’au départ.

Où et comment l’exécuter ?

Ils avaient d’abord à se présenter au Sultan pour obtenir son agrément définitif car déliés par lui-même de leur parole, ils n’avaient pas l’intention de s’esquiver sans mot dire. Après tout, le puissant Agitateur qui menaçait à cette heure la tranquillité du monde, s’était montré généreux en leur laissant la vie, bienveillant en la leur rendant relativement douce et facile, magnanime enfin en leur restituant la liberté sans conditions.

Donc, ils iraient prendre congé de lui. Puis, par où se dirigeraient-ils ?…

— L’Orient-express doit toujours fonctionner, fit de Melval ; mais mon sentiment est, qu’au lieu de nous engager par terre au delà des murailles de Constantinople où nous risquons d’être fusillés par les Russes comme Arabes ou par les Turcs comme déserteurs, nous ferions bien mieux de filer par mer. Nous trouverons bien quelque part un caïque comme celui-ci sur lequel nous longerons les côtes de la mer de Marmara, jusqu’à ce que nous trouvions un bateau anglais ou russe.

— Et si, nous prenant pour des cholériques, ils nous envoient une bordée de leurs canons à tir rapide ?

— Nous arborerons un drapeau, nous aurons des costumes européens.

— Où les trouveras-tu ?

— J’y ai songé ; tu te rappelles la villa du consul anglais qui était mise à la disposition du Sultan, près de Scutari, et à laquelle il a préféré sa tente ; j’ai été y faire un tour et j’y ai déniché une garde-robe un peu excentrique mais suffisante pour qu’on ne nous prenne pas pour des Arabes.

— Tiens, c’est ce ballot que tu vois à l’arrière.

— Tu es un ami précieux et prévoyant.

— J’ai prévu aussi les vivres ; nous en avons pour huit