Et Pol Kardec se tourna vers M. Fortier :
— Désolé de vous enlever mon ami de Melval, fit-il, mais la consigne avant tout.
— Comment ! la consigne ! quelle consigne ?
— Oui, j’ai ordre du ministre de la marine de lui amener de suite M. de Melval, qu’il veut féliciter sans retard.
— Le ministre de la marine ? fit l’ingénieur.
— Lui-même.
— il aurait bien pu être à la gare comme les autres, grommela M. Fortier… dites-lui que M. de Melval n’est pas dans une tenue à se présenter chez lui.
— La tenue lui importe peu.
— Je l’y conduirai moi-même dans une heure, objecta de nouveau l’ingénieur qui sentait l’impatience de sa fille.
— Dans une heure ! plaisantez-vous ? Votre ministre aux travaux publics se contenterait peut-être de cet à peu près, mais chez nous…
— Allons, voyons, Kardec, vous n’allez pas priver Christiane… mieux que personne vous savez…
— Mais puisque je vous dis que c’est la consigne et que dans une demi-heure je vous le ramène.
— Eh bien, je vais le conduire moi-même.
— Pas du tout, j’ai ma voiture, allez annoncer son arrivée à Mlle Fortier.
— L’annoncer, mais elle l’attend depuis plusieurs heures.
— Vous lui préciserez l’heure ; nous serons chez vous à deux heures et demie.
Et sans attendre davantage, l’officier de marine avait poussé son ami d’un jour dans une victoria qui stationnait là.
— Rue Royale ! fit-il.
Et quand ils furent un peu plus loin :
— Ouf ! dit-il, ça a été dur, mais j’arrive à temps. J’ai eu un instant l’idée de vous attendre à la maison même, mais je n’aurais pas eu le temps de vous expliquer.
Alors, il le mit au courant.
Il savait tout ; Melle Fortier en recevant sa lettre lui avait tout raconté… Quelle erreur avait été la sienne !… Comment de Melval avait-il pu reprocher à cette adorable jeune fille d’aimer un monstre comme ce Saladin !