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du champagne… puisque vous êtes sevré d’autre chose.

— Non, du whisky.

Praline sonna. Un vieux valet vint aux ordres et rapporta bientôt à Alain ce qu’il avait demandé. Cet homme à qui la vérole avait arraché les cheveux et les dents circulait sans rien regarder autour de lui. À quoi bon ? Il savait ce qu’il fallait dire à la police. D’ailleurs il amortissait ses rapports car il avait besoin de Praline et de ses amis haut placés pour le protéger contre ses chefs immédiats, fatigués des ennuis que leur valaient ses obscénités nocturnes.

Alain se versa un verre de whisky. Il y eut un assez long silence.

Urcel, qui était arrivé peu de temps avant Alain, se gorgeait de ses premières pipes, ce qui l’empêchait de parler autant qu’il en avait l’habitude. Mais ses prunelles saillantes, pour aller de sa pipe à Alain, sautaient dans son visage maigre, sous son front fuyant, tandis que de temps à autre, ses grands pieds s’agitaient dans son pantalon vide.

Alain évitait de regarder dans le coin le plus sombre du divan où, comme un parent pauvre au bout de la table, Totote, l’affreuse Totote avait son plateau solitaire dans le dos d’Urcel.

On entendait, de temps à autre, un léger grésillement ; puis une odeur de cuisine tropicale s’épandait dans toutes les narines.