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qui plaisait dans cette maison, c’est qu’elle n’était pas vide. Pas trop de choses, mais enfin des choses, et exquises : des meubles, des tableaux, des objets. Tout ce qui paraissait inutile avait son utilité secrète ; c’était autre chose que chez Praline.

Bonne cuisine, faite par une campagnarde, très mijotée, avec des odeurs de plein air.

Alain, assis, les regarda tous. Ces êtres dont il était à jamais séparé lui plaisaient.

Sauf Mignac. Celui-là lui ressemblait trop, ou du moins, lui avait trop ressemblé, il le détestait.

Alain se trouvait entre Anne et Maria. C’étaient les anciennes femmes de Brancion ; sa femme actuelle, Barbara, était assise à la droite de Cyrille. Brancion était à la droite de Solange, de l’autre côté d’Anne. À chaque retour en France, il lui fallait épouser dans les vingt-quatre heures une femme qu’il quittait le jour de son départ.

« Il a eu des femmes ; il a volé et tué, il connaît l’Asie comme sa poche. Il me mépriserait s’il me connaissait ; mais il ne me connaîtra pas, jamais il ne me regardera.

« Tous ces gens vivent, on dirait qu’ils sont beaux. Mignac étale des joues pleines de sang, il s’est couché à quatre heures du matin, il a fait deux heures de cheval avant midi ; puis il est allé à la Bourse, où il a gagné de l’argent. Et pourtant autrefois, je me promenais avec lui la