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« La drogue ? Mais non, regardez. Je ne me suis piqué qu’une fois, ce soir. Alors ? Je ne suis soûl que d’alcool et d’ailleurs je ne suis même pas soûl. Au fait, je vais me repiquer, il faut pourtant que cette héroïne serve à quelque chose. Me voilà au bar, je vais aux cabinets.

« Les cabinets, les lieux, comme on dit. Le lieu. »

C’est ainsi qu’Alain était acculé à la cellule, lui qui prétendait se révolter contre Urcel et son pseudo-mysticisme. Aboutissement obligé d’une morale de dégoût et de mépris.

Mais Alain, dans cet endroit, ne se confinait pas dans la méditation, ni ne rêvait. Il agissait, il se piquait, il se tuait. La destruction, c’est le revers de la foi dans la vie ; si un homme, au-delà de dix-huit ans, parvient à se tuer, c’est qu’il est doué d’un certain sens de l’action.

Le suicide, c’est la ressource des hommes dont le ressort a été rongé par la rouille, la rouille du quotidien. Ils sont nés pour l’action, mais ils ont retardé l’action ; alors l’action revient sur eux en retour de bâton. Le suicide, c’est un acte, l’acte de ceux qui n’ont pu en accomplir d’autres.

C’est un acte de foi, comme tous les actes. Foi dans le prochain, dans l’existence du prochain, dans la réalité des rapports entre le moi et les autres moi.

« Je me tue parce que vous ne m’avez pas aimé, parce que je ne vous ai pas aimés. Je me tue parce que nos rapports furent lâches, pour