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c’est un chemin tournant qu’il faut parcourir de bout en bout.

À cette heure-ci, toutes les femmes sont aux mains des hommes : Dorothy est aux mains d’un homme fort, aux muscles de fer, avec des poignées de banknotes dans ses poches. Lydia est aux mains des gigolos plus beaux les uns que les autres, de sorte qu’elle est obligée d’aller des uns aux autres. Solange tout à l’heure va se coucher dans les bras de Cyrille, en rêvant de Marc Brancion.

Les femmes et les hommes se tiennent. Les hommes, quelles brutes ! Toutes pareilles, attachées non pas à la vie mais à leurs besognes. Et quelles besognes ! L’égyptologie, la religion, la littérature. Mais il y a les hommes d’argent : Brancion, Fauchard. Voilà les vrais hommes.

« Leur monde m’est fermé, décidément fermé. Et c’est là que sont les femmes.

« Contre le monde des hommes et des femmes, il n’y a rien à dire, c’est un monde de brutes. Et si je me tue, c’est parce que je ne suis pas une brute réussie. Mais le reste, la pensée, la littérature, ah ! je me tue aussi parce que j’ai été blessé de ce côté-là par un mensonge abominable. Mensonge, mensonge. Ils savent qu’aucune sincérité n’est possible et pourtant ils en parlent. Ils en parlent, les salauds.

« Mais moi, je sais bien que je ne me bourre pas le crâne. Si je meurs, c’est parce que je n’ai pas d’argent.