Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Champs-Élysées par la rue Boissy-d’Anglas. Au coin de l’avenue Gabriel, ils se heurtèrent à une rôdeuse.

— Bonsoir, Marie-couche-toi-là.

C’était une vieille batteuse de fourrés, bien connue des amateurs. Alain avait deux ou trois fois accepté ses services, mais elle ne pouvait le reconnaître, car des milliers d’hommes étaient passés par ses mains.

— Bonsoir, mes petits, grommela-t-elle, avec une voix de vieil ivrogne. Vous cherchez des caresses ?

— Non, dit Alain, nous nous amusons tous les deux.

— Vous pouvez bien me prendre en plus. J’aime tout.

— Tu n’aimes rien.

— J’aime faire plaisir.

— Eh bien, bonsoir.

— Bonsoir, mes bijoux. Une cigarette.

Elle était couverte d’un amas de hardes aux couleurs bariolées mais délavées par la pluie. Elle puait la crasse et l’alcool et avança vers le paquet d’Alain une main rugueuse. Sa face était un vieux soleil chaviré.

— Si tu vois M. Baudelaire, dis-lui bonsoir.

— M. Baudelaire, pour qui me prends-tu ? C’est un artiste.

— Ils s’en allèrent.

— Qu’est-ce que je te disais ? reprit Alain.