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les autres. Bien que la pente de son tempérament fût pour le mièvre, elle méprisait ce qui lui ressemblait, et se poussait jusqu’aux natures les plus éclatantes. Devant un écrivain russe aux poings de portefaix, elle étouffait un petit cri, blessée aux entrailles, mais elle se raccrochait à cette masse de chair imbibée de sang.

Un goût lointain, mais lancinant, la jetait encore vers d’autres pistes que celles de la gloire. Elle portait un germe de luxure qui n’avait pas pu s’épanouir et qui remuait dans sa cervelle comme une graine morte. Elle ne pouvait se contenter du spectacle que lui donnait son chauffeur qui était pédéraste et fronçait ses lourdes épaules à l’apparition de tout jeune homme, ni des attouchements mielleux et d’ailleurs purement allusifs de sa pauvre suivante ; il lui fallait tourner avec des sourires infimes et des œillades ignominieuses autour de tous les êtres qui avaient quelques dons de séduction et en faisaient commerce.

Elle était mordue de son éternel regret devant Alain, dont elle s’était fait, depuis longtemps, conter les amères bonnes fortunes, dans ces salons louches où elle frôlait les faiseurs et les va-nu-pieds de tous les vices.

Dans son autre voisin, le marquis d’Averseau, se trouvait apparemment l’ensemble le plus complet de tout ce dont elle était friande : un