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beau nom, puisqu’il descendait du maréchal d’Averseau ; un titre littéraire, puisqu’il avait écrit une ‬Histoire des princes français qui furent sodomites ; et enfin, une place dans la chronique des petits scandales. Mais il était hideux ; il lui aurait fallu du génie pour faire supporter ses dents vertes, sous une lèvre enflée et envenimée. Et ses anecdotes de Toulon étaient bien rebattues.

Au-delà de M. d’Averseau, c’était Mlle Courtot, qui, non moins que Mlle Farnoux, lorgnait Alain. Elle était énorme et squelettique. En dépit des efforts qu’avait faits son père, le baron Cournot, qui avait écrit des livres sur la philosophie de l’hygiène, il n’avait jamais pu faire pousser de la bonne chair sur cette ossature périmée. Bichette Cournot courait à travers le siècle comme un pauvre plésiosaure, échappé d’un muséum. Elle était de feu, mais les hommes fuyaient ses étreintes démesurées. De là, grande neurasthénie. Comme personne ne s’occupait d’elle, elle se croyait toujours seule ; à la table des Barbinais, elle en venait à gratter par moments, par-dessus la soie de sa robe, ses longs seins en peau de serpent.

Plus loin, deux hommes causaient : M. Moraire et M. Brême. Tous les deux avaient été financiers et avaient considérablement accru des fortunes de famille. Mais des ennuis domestiques étaient venus à bout de leurs nerfs dégénérés : ‬cocus, tourmentés par des enfants