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— où, par malheur, il s’était enfermé avec les frénésies de sa femme. Alain était presque toujours affable avec lui ; le docteur lui en savait gré ; mais il n’en était pas rassuré et craignait toujours de voir apparaître un éclair de gouaillerie et de cruauté sous ces paupières volontairement appesanties. Il avait le vague sentiment qu’Alain aurait pu lui dire quelque chose qui l’aurait humilié pour longtemps.

En dépit de ses connaissances médicales, il se persuadait pour sa tranquillité qu’Alain pouvait, sans contrainte, se débarrasser de son vice. En tout cas, il comptait beaucoup sur les effets d’une bonne situation sentimentale. C’est pourquoi il l’avait poussé à écrire à cette épouse américaine qui, au reste, paierait plus sûrement qu’Alain les cinq semaines que celui-ci avait déjà passées chez lui.

— Écoutez, mon cher ami, réfléchissez. Votre lettre est partie il y a huit jours. La réponse n’a pas pu vous parvenir encore.

Alain ricana. Le docteur, pour s’éloigner des pensées funèbres, se tournait vers un avenir où tout s’arrangeait. Tous les êtres que connaissait Alain se montraient vis-à-vis de lui semblables à celui-là ; ils se dérobaient devant son fait.

— Je vous dis qu’elle n’a pas pu croire dans ma lettre. Quand je me suis marié avec elle, il y a deux ans, je lui avais déjà promis de ne plus jamais toucher à la drogue. Je n’étais pas tout