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moindre, elle eût encore été terrible pour un être dont toutes les lâchetés devant la rudesse de la vie s’étaient conjurées depuis longtemps pour le maintenir dans cette dérobade complète du paradis artificiel. Il n’y avait en lui aucune ressource qui puisse le défendre contre la douleur. Habitué à se livrer à la sensation du moment, incapable de se former de la vie une conception d’ensemble, où se compensassent le bien et le mal, le plaisir et la douleur, il n’avait pas résisté longtemps à l’affolement moral que lui valait la douleur physique. Et il s’était redrogué.

Mais alors, les étapes de la drogue, par où il repassait, lui étaient apparues, cette fois, sous un jour nouveau, terne. Chaque degré de sa chute, il voyait quel piège médiocre ç’‬avait été. Ce n’était plus le délice d’un mensonge qu’on devine, mais qu’on laisse se cacher sous le masque séduisant de la nouveauté : maintenant, un démon surchargé de travail bâclait un client de plus et répétait avec négligence une vieille ruse imbécile : « ‬Si tu en prends un peu aujourd’hui, tu en prendras moins demain. »

Lui qui s’était plaint de la monotonie des jours, il la retrouvait dans le raccourci même qui lui avait semblé s’offrir à travers ces jours.

Il avait dû reconnaître aussi de façon définitive les limites étroites dans lesquelles opère la drogue. Il s’agissait uniquement d’une tona‫‬-