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rendait timide, il s’affola devant la pudeur de Dorothy qui n’était qu’attente craintive, à cause de son premier mari qui l’avait brutalisée et repliée dans un sommeil vierge. Alain la prit dans ses bras avec une maladresse qui lui révélait soudain à lui-même l’incroyable pénurie de sa vie. Il ne savait pas quoi faire, parce qu’il n’avait jamais rien fait. Il resta des nuits entières à côté d’elle, à grelotter de misère. Certes, elle était sa femme, mais a des moments si rapides, si égarés. Il aurait fallu qu’il pleurât, qu’il s’arrachât une confession immense et sordide ; il ne le put pas. Alors il s’énerva, il grinça des dents. Ce fut aussi la raison pour laquelle il revint à la drogue ; il y chercha l’oubli de la honte qui l’envahissait.

Peu à peu Dorothy s’épouvanta. Elle se voyait brisée, sans compensation. Après deux ou trois faux départs qui avaient avorté dans des retours de tendresse et de pitié, elle parvint à s’enfuir.

Et Alain avait laissé se rompre cette rencontre qui avait été la véritable chance de sa vie, parce que la drogue qui l’avait repris amortissait toutes ses appréhensions et aussi l’incitait à nourrir de nouvelles et vagues espérances autour de Lydia qui était survenue sur ces entrefaites.

Mais maintenant, il savait tout le prix de Dorothy. Au fond de lui-même, il croyait qu’il avait gardé un pouvoir sur elle et qu’il pouvait la reprendre, si enfin il s’en donnait la peine. Et il ne pouvait pas croire que l’émoi qu’il res-